Origines de la médiation animale dans le domaine du soin

L’histoire de la médiation animale dans le domaine du soin plonge ses racines dans une diversité de cultures, d’époques, et de pratiques. Dès le IXe siècle, en Belgique, on trouve des traces de l’utilisation des animaux dans un cadre thérapeutique. Dans les établissements de santé, les oiseaux étaient confiés à des patients en convalescence. Ce sont eux qui devaient les nourrir et prendre soin d’eux. Ces pratiques, bien que rudimentaires, montrent déjà une compréhension instinctive de la manière dont l’interaction avec les animaux pouvait avoir un effet apaisant sur les personnes en situation de vulnérabilité. L’animal n’était pas encore considéré comme un acteur direct dans le processus de soin. Mais son rôle en tant qu’élément facilitateur d’un mieux-être commençait à s’établir.

Les débuts structurés en Angleterre : le York Retreat

C’est en 1792, en Angleterre, qu’apparaît l’un des premiers exemples documentés d’une pratique de médiation animale institutionnalisée. Avec la création du York Retreat par William Tuke. Ce dernier, en réaction aux méthodes inhumaines employées dans les asiles traditionnels (patients enchaînés, battus, et maltraités), proposa une alternative basée sur une approche bienveillante. Dans cette institution, les malades mentaux étaient encouragés à s’occuper d’animaux tels que des lapins et des volailles. Ce qui représentait une rupture radicale avec les traitements brutaux de l’époque. Tuke observait que cette responsabilité redonnait aux patients un sentiment de dignité et d’autonomie, tout en contribuant à leur réhabilitation. Il nota également que l’interaction régulière avec les animaux favorisait une meilleure maîtrise des comportements et renforçait la confiance en soi. Cette initiative marqua ainsi les premières bases d’une forme structurée de thérapie assistée par l’animal. Bien avant que ce terme ne soit défini.

L’Institut Bethel : une expérience innovante en Allemagne

Un autre exemple marquant de cette approche thérapeutique intégrant les animaux se développe en Allemagne, en 1867, avec la création de l’Institut Bethel. Initialement conçu pour accueillir des patients épileptiques, cet institut s’est progressivement ouvert à d’autres pathologies mentales. Les animaux jouaient un rôle central dans le cadre de réhabilitation des patients : chevaux, chiens, chats et oiseaux faisaient partie intégrante des activités proposées. Les interactions avec ces animaux permettaient de stimuler à la fois la motricité des patients, leur capacité à interagir socialement et leur sensibilité émotionnelle. Les soins aux animaux donnaient également aux patients un objectif quotidien, ce qui renforçait leur implication dans leur propre rétablissement. L’Institut Bethel, qui existe encore aujourd’hui, est considéré comme un des pionniers en matière de thérapie assistée par les animaux. Son modèle a inspiré de nombreuses autres initiatives à travers le monde.

La présence des animaux durant les guerres

Durant les périodes de guerre, l’utilisation des animaux dans les hôpitaux militaires devient une pratique courante. On retrouve des exemples dès la guerre de Crimée (1853-1856). Où des oiseaux et des animaux de ferme étaient présents dans les centres de convalescence pour les soldats blessés. Cette tendance s’est encore intensifiée pendant la Première Guerre mondiale (1914-1918) et la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), où des fermes intégrées aux hôpitaux permettaient aux soldats mutilés ou traumatisés de s’occuper d’animaux au quotidien. Cette présence animale était perçue comme un facteur clé de la réadaptation psychologique des patients. En facilitant leur transition vers une vie marquée par des handicaps physiques ou mentaux.

Le fait de nourrir, de soigner et de passer du temps avec les animaux leur permettait non seulement de retrouver une forme de sérénité intérieure, mais aussi de se reconnecter à la réalité dans un environnement apaisant. Ces interactions donnaient aux soldats un moyen de retrouver une certaine normalité dans un contexte de stress post-traumatique.

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Boris Levinson : le père de la zoothérapie moderne

Dans les années 1950, le psychologue pour enfants Boris Levinson pose les bases de la zoothérapie telle que nous la connaissons aujourd’hui. Un événement fortuit bouleversa sa pratique : lors d’une consultation avec Johnny, un jeune enfant autiste, le chien de Levinson, Jingles, s’approcha spontanément du garçon. Contre toute attente, Johnny, habituellement peu expressif, réagit positivement à la présence de l’animal, allant jusqu’à le caresser et à sourire. Ce moment devint une révélation pour Levinson. Il décida de répéter l’expérience avec d’autres enfants autistes ou ayant des troubles émotionnels sévères. Il constata des améliorations significatives dans la manière dont les enfants réagissaient à la thérapie lorsqu’un animal était impliqué. La présence de l’animal servait souvent de médiateur, facilitant l’expression de sentiments et de pensées que les enfants avaient du mal à verbaliser dans un cadre traditionnel.

Cette découverte conduisit Levinson à formaliser une nouvelle approche. Il la nomma « Psychothérapie Infantile Assistée par l’Animal » (Pet-Oriented Child Psychotherapy), marquant ainsi l’acte de naissance de la zoothérapie moderne.

En France : l’héritage d’Ange Condoret

En France, les travaux sur la médiation animale prennent de l’ampleur dans les années 1970. Notamment grâce au Dr Ange Condoret, vétérinaire de profession. Condoret s’intéresse aux enfants ayant des troubles du langage. Elle tente de répliquer les expériences de Levinson dans un contexte français. Ses recherches aboutissent aux mêmes conclusions : la présence de l’animal, qu’il soit chien, chat ou cheval, permet d’améliorer les capacités de communication et l’interaction sociale des enfants. Fort de ces résultats, Condoret fonde en 1977 l’AFIRAC (Association Française d’Information et de Recherche sur l’Animal de Compagnie). L’AFIRAC est un organisme visant à promouvoir la recherche et la sensibilisation autour de l’impact thérapeutique des animaux.

Cependant, malgré ses efforts pour diffuser ses travaux, Condoret rencontre des résistances au sein des milieux médicaux français. Son projet de créer un centre spécialisé pour la médiation animale auprès des enfants ne voit jamais le jour. Néanmoins, ses recherches sont largement reconnues à l’international, en particulier aux États-Unis, où la zoothérapie est en pleine expansion.

Conclusion

La médiation animale dans le domaine du soin n’est pas une simple tendance. Mais résulte de siècles d’évolution et d’observation empirique. En effet, ce processus a commencé par des pratiques intuitives, comme confier des oiseaux à des patients en convalescence. Ces approches ont progressivement évolué pour devenir une discipline reconnue dans le monde médical.

Ainsi, que ce soit dans les hôpitaux militaires pendant les guerres, dans les institutions psychiatriques au XIXe siècle, ou encore dans les cabinets de psychologues au XXe siècle, les animaux ont toujours joué un rôle essentiel. Ils sont des médiateurs uniques, capables d’établir des liens émotionnels. Ce que ni les mots ni les médicaments ne peuvent parfois créer.

Aujourd’hui, la zoothérapie continue à se développer. Elle s’appuie sur des recherches scientifiques qui valident ce que des pionniers comme William Tuke, Boris Levinson, et Ange Condoret avaient déjà compris. L’animal, en tant que compagnon thérapeutique, possède une capacité unique à apaiser. Mais aussi à réhabiliter, et redonner espoir aux personnes qui en ont le plus besoin.


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